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Submicrocosm
28 octobre 2007

Nota bene: synchroniser ma montre...

... et rien à voir avec le changement d'heure, ça c'est plutôt positif ça m'aurait permis de dormir un peu plus longtemps si un satané bisekikilèvetôt ne m'avait pas bigophoné à l'aube... :alahaine:

En boulette dorée que je suis, j'ai raté deux des cinq représentations théâtrales que je voulais absolument voir on se refait pas pour cause de jesuisunegourdassefiniequ'aaucunenotiondutempsquipasse. Mais j'ai décidé de quand même vous faire une petite fiche plus détaillée sur chaque pièce au cas où elle passerait du côté de chez vous. Malheureusement vous n'aurez donc pas ma critique et je vais me contenter de rester en surface, mais ce n'est que partie remise et si vous avez l'occasion d'y aller j'espère que vous me ferez part de votre ressenti.

# Révélations (The Dying of Today)

articler_v_lations


de Howard Barker

° Equipe technique

mise en scène Guillaume Dujardin
texte français Isabelle Famchon
avec Michel Dubois, Jean-Marie Frin
collaboration artistique José Drevon
scénographie Pierre Marinker
costumes Françoise Luro
lumières Christophe Dubois
son, musique et régie son Joël Migne
assistant son Philippe Petit
régie lumière Moëren Tesson
électricien Claudio Codemo
régie générale et plateau Patrick Le Mercier
habilleuse Antoinette Magny
décor construit par les ateliers de la Comédie de Caen Bruno Banchereau, Patrick Demière, Benoît Gondouin, Patrick Le Mercier, Gérard Lenoir, Hubert Rufin, Serge Tarral
assistante stagiaire Valérie Paüs
production déléguée Comédie de Caen-Centre Dramatique National de Normandie
coproduction Compagnie Mala Noche, L’Avant-Seine Théâtre de Colombes, L’Arc en Ciel Théâtre de Rungis
avec le soutien de la DRAC de Franche-Comté et de la Région de Franche-Comté

° Note d'intention

Deux hommes dans un salon de coiffure. L’un doit raconter L’autre, écouter. Celui qui raconte, aime raconter. Celui qui écoute est le barbier. Seulement ce jour-là, celui qui raconte ne sait pas par où commencer. Ce qu’il a à raconter est grave. Il s’agit de débâcle et de mort. De chaos et de destruction. Et celui qui aurait dû écouter se met à parler. À dire ce qu’il imagine. À inventer un langage, lui qui ne parlait jamais. Il a vécu, ce barbier. Le chaos, il l’a connu dans le passé. De muet, il devient bavard. Et celui qui devait parler est muet désormais. Lui qui n’avait jamais vécu se met à écouter et à découvrir les nombreuses possibilités
de l’âme humaine. Face au miroir. Tout cela est possible, car ils sont regardés. Par eux-mêmes, dans ce miroir. Par d’autres, sûrement. La nouvelle qu’ils détiennent, maintenant, conjointement, personne ne la connaît. Personne dans le reste de la ville ne sait ce qu’ils savent. La ville est encore calme. Le chaos va bientôt arriver. Et comme un écho prémonitoire à ce chaos, la destruction commence. Le salon est détruit. Les miroirs sont cassés. Les souvenirs sont éparpillés. Le causeur découvre la vie. Les mots ne suffisent plus. Celui qui devait écouter ne parle plus, il casse. Il casse les miroirs. Il n’y aura plus désormais de reflet. Ils cassent les portes. Le monde pourra désormais rentrer. Celui qui devait parler regarde le monde détruit devant lui. Autrefois il parlait et partait. Aujourd’hui, il n’a rien dit et va rester. La ville est agitée. Le chaos est annoncé. La ville s’est vidée. Les habitants sont protégés. Seuls les deux hommes du salon de coiffure sont restés. Ensemble, ils attendront la destruction. Ils la verront. Ils la vivront. Sans miroir.
Révélations est un concentré de Tragédie. Tragédie antique, Tragédie classique, Tragédie d’aujourd’hui. Tragédie car c’est une page insoupçonnée de l’Histoire de l’Humanité que ce barbier et son client jouent devant nous.
Note de Guillaume Dujardin

° Extraits

DESTRUCTION
Je tremble d’admiration mais pas seulement d’admiration un peu de ce tremblement est de la
peur je dois l’admettre
ENCORE DE LA DESTRUCTION
Le barbier m’a déjà surpassé de beaucoup non seulement dans son talent de raconteur dont il
faut sans doute attribuer une bonne part à son investissement personnel dans le dénouement de
son récit mais dans sa puissante intuition de ce qui doit sûrement en être le dénouement
ET ENCORE.
Je suis par comparaison un dilettante
UNE CASCADE D’INSTRUMENTS.
Comme il le suggère si vilemment la destruction de l’armée dans une contrée lointaine n’est que
ET ENCORE TANDIS QU’UN TIROIR EST RENVERSÉ
Comment devrions-nous l’appeler le prélude d’un événement plus vaste encore à venir.
LE BARBIER
Plus de garçon, plus de boutique, plus de ville, regardez-moi
DNEISTER
Oui
LE BARBIER
Vous regardez?
DNEISTER
Je regarde oui
LE BARBIER
Qu'est ce que vous voyez ?
UN TEMPS.
DNEISTER
Le barbier irradiant de désespoir
UN OBJET EST LANCÉ CONTRE LE MIROIR. LE VERRE SE BRISE, TOMBE.
LE BARBIER
PLUS DE VISAGE NON PLUS
DNEISTER
Non à vrai dire
LE BARBIER
Les esclaves sont sans visage
DNEISTER
C’est la définition de l’esclavage mais quelle est l’urgence on pourrait installer des fauteuils sur le
trottoir un peu communier dans le malheur et nous signaler mutuellement les petits signes infimes
mais qui se précisent de la désintégration pour moi c’est l’aspect gratifiant des mauvaises
nouvelles si je suis un dilettante je suis aussi un connaisseur il y a une brise douce qui arrive du
port et les chapeaux de soleil même si dans votre rage vous les piétinez jusqu’à l’informe ne se
laissent pas facilement détruire
IL EN RAMASSE UN PAR TERRE.
C’est approprié


# Le Misanthrope

articlemisanthrope

de Molière
Ce spectacle fut créé le 4 mai 2006 au Granit, scène nationale de Belfort.

° Equipe technique

mise en scène Benoît Lambert
scénographie et lumière Antoine Franchet
costumes Violaine L. Chartier
assistée de Elsa Le Guichard, Sophie Heurlin
réalisation sonore Jean-Pascal Lamand
construction décor Florent Gauthier, Franck Tenot, Kevin Auguste
régie générale Marc Chevillon
régie plateau Florent Gauthier
régie son Patrice Nivot
avec
Emmanuel Fumeron
:: Philinte
Cécile Gérard
:: Arsinoé
Didier Grebot
:: Clitandre
Etienne Grebot
:: Acaste
Guillaume Hincky
:: Oronte
Ana Karina Lombardi
:: Eliante
Lara Suyeux
:: Célimène
Emmanuel Vérité
:: Alceste

production déléguée Le Théâtre de la Tentative
coproduction Le Centre Dramatique Régional de Tours, Le Granit scène nationale de Belfort, Le Forum scène conventionnée de Blanc-Mesnil, la  Maison de la Culture de Nevers
avec le soutien de la DRAC Bourgogne, du Conseil Régional de Bourgogne, du Conseil Général de Seine-Saint-Denis et de la Ville de Dijon

Benoît Lambert est artiste associé au Granit, scène nationale de Belfort

Les photographies du spectacle sont réalisées par Clément Bartringer.

° Note d'intention

« Elle est où, votre limite à vous ? »
Je ne sais pas si Alceste a raison. Je ne sais pas si son emportement contre le monde est légitime. Je crois que cela, précisément, doit rester dans la pièce à l’état de question. Et ce qui compte, c’est cette question que pose Alceste, justement. Alceste pose la question de la limite. Il demande au public : « elle est où, votre limite à vous ? Jusqu’où êtes-vous prêt à supporter tout ça ? ». Alceste, c’est quelqu’un qui a atteint sa limite. Il n’en peut plus, vraiment. Il y a quelque chose qui lui fait horreur. C’est très beau, finalement, cette plongée dans l’horreur d’Alceste. Alceste a honte de la façon dont vivent les hommes entre eux, et il le dit. Il faut prendre très au sérieux sa protestation, non parce qu’elle est juste, mais simplement parce qu’elle est sincère. Il n’y a chez Alceste ni feinte, ni complaisance. Il faut croire cela, sinon la pièce n’a plus aucun intérêt. Mais il faut rappeler aussi que la limite est une question pragmatique, et que celle d’Alceste n’est pas nécessairement la nôtre. C’est sans doute ce qu’il y d’effrayant dans sa question.
« Qu’avons-nous finalement en commun ? »
Car Alceste a peur, aussi. Il est terrifié : comment les autres font-ils pour supporter le monde ? Sont-ils aveugles, ou fous ? Ou alors, est-ce lui le fou ? Est-il seul à voir le monde ainsi ? Pourquoi n’avons-nous pas tous la même limite ? Pire, même : qu’avons-nous finalement en commun ? La question terrible d’Alceste : qu’ai-je en commun avec cette femme que j’aime, ou avec cet ami, qui supportent l’un et l’autre des choses parfaitement insupportables ? (Alceste me fait penser parfois à ces personnages paranoïaques du cinéma, ceux qui ayant découvert un « grand secret » ou un « grand complot », peinent à le faire admettre à leur entourage même le plus proche, et se trouvent rejetés dans l’irrationnel par ceux-là même dont ils attendent la plus grande compréhension. Il a quelque chose aussi de ces personnages de Sarraute qui s’efforcent de faire partager à autrui l’effet d’un mot, d’une phrase ou d’un geste apparemment anodin, du moins pour leur auteur.)
« Comment vais-je faire pour te supporter ? »
Mais cette question de la limite, c’est aussi une question qui fait rire, peut-être simplement parce qu’elle va de soi : elle est notre lot commun, la trame même de notre vie. Nous passons notre temps à négocier les limites, à disputer ensemble des limites, pour définir les frontières du supportable et les contours d’un monde habitable. La démocratie, c’est simplement la forme politique de cette dispute, de cette négociation. La tyrannie, c’est la puissance qui empêche que cette dispute ait librement lieu, et qui impose les limites du dehors. Mais cette dispute n’est pas que politique, ou publique : même dans un espace social pacifié, ou admissible, il faut poursuivre la négociation avec ses proches, ses amis, ses amours. Jusqu’où peut-on aller ? Quelles sont les frontières du supportable ? Ou encore : comment vais-je faire pour te supporter ? Et au fond, ce qui fait rire, ce que tout en posant légitimement la question de la limite ou de l’insupportable, Alceste refuse la négociation nécessaire en brandissant une réponse non-négociable : entre le monde et lui, il somme ses proches de choisir, et surtout Célimène. Mais, bien sûr, il ne peut pas faire autrement…
« Si vous me faîtes horreur, ne devrais-je pas vous faire horreur aussi ? »
Ce qui est beau, c’est qu’il y a dans la pièce beaucoup de gens qui tiennent à Alceste, qui le supportent, qui l’aiment. Tous, même, pour ainsi dire, y compris Oronte qui l’aborde si gentiment (pourquoi serait-il hypocrite? Le voir ainsi, c’est donner d’emblée raison à Alceste). Pour tous ceux-là, étrangement, il n’est pas insupportable, pas encore. Pour eux, la limite n’est pas atteinte. Cela, pour Alceste, c’est sans doute incompréhensible. Si vous me faites horreur, ne devrais-je pas vous faire horreur aussi ?
Il faudrait que chaque scène soit jouée avec le maximum de sincérité possible, que rien ne soit dit ironiquement, ou légèrement. Ce qui est terrible, dans le Misanthrope, c’est quand on a l’impression que tous ces gens, Philinte, Célimène, Oronte, les Marquis, Arsinoé, Éliante, sont bien les hypocrites et les mondains qu’Alceste dénonce. C’est ne leur laisser aucune chance, refuser d’admettre qu’ils se débattent eux aussi aux limites, dans la question des limites, le plus sincèrement possible. Pourquoi les supposer méchants, aigris, lâches, coincés ou faux ? Pourquoi leurs limites personnelles ne seraient-elles pas respectables ?

Mais il faudrait aussi que tous les acteurs restent en scène pendant toute la durée de la pièce, non pas pour produire un quelconque effet brechtien, mais simplement pour fabriquer de l’indifférence, ou pire, de la bienveillance. Présences muettes, plus ou moins occupées, peu concernées par ce qui arrive, mais s’arrêtant soudain pour regarder l’action à l’occasion d’un éclat de voix, d’un geste violent, avant de retourner à leurs propres affaires… Ou alors, tout à coup, ce sont les autres qui occupent toute la place, qui dansent, chantent, boivent, s’amusent ou s’ennuient bruyamment, ou encore inventent un rituel étrange et incompréhensible…Alceste, à chaque instant, voit le monde continuer sans lui, indifférent à ses clameurs. Il le voit à travers une vitre, un calque, un voile. Il voudrait réveiller tout le monde, que chacun enfin voit le monde par ses yeux à lui. Qui voit mal, lui ou eux ? Mais la vie continue… Il n’est pas le personnage principal…Oui, bien sûr, les autres s’absentent, ils continuent sans nous…

Le contraste de cette absolue sincérité et de cette soudaine indifférence, c’est le cauchemar d’Alceste, c’est la marque scénique de son cauchemar et de son drame. Celui-là qui s’inquiète pour lui, ou qui l’empoigne, ou qui dit l’aimer, celui-là soudain s’absente, passe à autre chose, sans regret ni remords, joyeusement presque, et sans penser à mal. Cette scène, qui va se répéter tout au long de la pièce, c’est la scène inaugurale, celle dont Alceste a été témoin et que l’on ne voit pas, cette scène qu’il reproche si violemment à Philinte : « Je vous vois accabler un homme de caresses / Et témoigner pour lui les dernières tendresses (…) / Et quand je vous demande après quel est cet homme / À peine pouvez-vous dire comme il se nomme / Votre chaleur pour lui tombe en vous séparant / Et vous me le traitez, à moi, d’indifférent ». Scène obsédante, atroce : que font-ils, tous, après mon départ ? Que font-ils, quand ils sont sortis ? Que verrais-je, s’ils restaient tous là ?

Qu’est-ce que les autres aiment tant chez Alceste, qui peut les émouvoir quand il est là, mais les faire rire aussi bien quand il est absent (Philinte et Éliante au début de l’acte IV) ? Quelle est cette chose qui les touche tant, et qu’ils oublient, aussi, parce que, comme on dit, la vie continue, et qu’il faut bien la vivre ? Ceci, sans doute : la capacité de s’indigner encore, d’éprouver violemment sa propre limite, cette vigilance dont on sait parfois qu’elle nous fait défaut. Oui, même s’il se trompe, même s’il exagère, même s’il s’aveugle, Alceste rappelle à tous ceci : qu’il est essentiel d’éprouver ses limites, sauf à accepter de se transformer en salaud, ou en collabo…


° Presse

 Un crooner haut comme trois pommes en costume blanc de mafieux, un plateau qui se transforme en concert de pop anglaise, en tripot, en terrain de golf, de chasse ou en scène de bagarre digne d'un Cassavetes ou d'un Scorsese, et d'excellents comédiens qui traitent le délicieux texte de Molière avec toute l'intelligence et l'humour nécessaires : c'est là le pari fort réussi du metteur en scène Benoît Lambert, qui nous fait vivre deux heures intenses dans les méandres de l'amour et de l'amitié. Du rythme, des convulsions, des virgules musicales ou lumineuses qui tombent à point nommé pour relancer la machine savamment huilée du génial dramaturge, tout y est. L'interprétation est telle que ce "Misanthrope", sans rubans ni crinoline, n'a jamais été aussi contemporain.

Laure Teyral
Le Point, 1er février 2007

° Vous pouvez retrouver toutes les informations ainsi que toutes les photos des spectacles sur le site de la Comédie de Caen. Les photos illustrant cet article ne sont bien sûr pas de moi.

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