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Submicrocosm
9 décembre 2007

Le photographe du mois...

"Quand j’ai commencé à me poser des questions, à vouloir photographier autrement l’actualité des hommes, j’ai trouvé une amie, c’est elle qui m’a aidé à sortir de mon passé. Nous avons réalisé ensemble « San Clemente », elle au son, moi au cadre, ce film sur un hôpital psychiatrique à Venise. J’ai écrit « Notes », mon premier livre pour elle. Le plus important chez elle, c’est son parcours sans compromis. À sa façon, avec réflexion, c’est le contraire du reporter de guerre, ses photographies témoignent aussi de la folie des hommes, sans doute avec encore plus de force que le témoin reporter. Sensible, discrète, engagée, habitée, elle a un vrai talent d’artiste photographe, salué dans le monde entier, c’est en plus une amie fidèle." Raymond Depardon

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West Bank, 2004

... qui est en réalité une photographe que j'affectionne tout particulièrement, car c'est autour de son travail que j'ai monté mon dossier d'arts plastiques pour le baccalauréat. Alors, peut-être que certains vont trouver ça nouille et sacrément emmerdant, de vous parler de Raymond puis de vous balancer dans la foulée sa coupine Sophie, mais de toute façon vous ne pouviez pas y couper... On croirait que je vais vous causer d'une photographe quicraintgravedelapelloche... ceci dit si vous partez sur une très mauvaise impression, vous ne pouvez qu'en ressortir (au pire) sur une mauvaise impression, ce qui est toujours mieux... :detoutessesdents:

En 1983, Sophie Ristelhueber est au Liban et plus précisément à Beyrouth, pour photographier cette ville meurtrie par la guerre civile (Beyrouth Photographies, 1984). Le parti pris de la photographe surprend le monde du reportage tant il va beaucoup plus loin que la simple captation de scènes de combats. Cela marque pour la photographe, le début de sa réflexion entre les rapports qu'entretient le paysage avec les fractures, les frontières, les traces, toutes les marques concrètes ou imaginaires qui remodèlent le monde selon les évènements qu'il y a enduré, des cataclysmes naturels (tremblement de terre – Arménie, 1989), mais surtout la marque laissée par l'homme. Chronologiquement, elle prend des vues à très grandes ou à très petites échelles d'une terre blessée par les obus de la première guerre du Golfe (Fait, 1992) et des combats balkaniques (Every One, 1994 et La Campagne, 1997). Elle immortalise également les frontières symboliques d'Asie Centrale avant même que le 11 septembre ne les mettent en avant (L'air est à tout le monde II, III, IV, 2000, 2001, 2002). L'évocation d'un épiderme mutilé atteint son paroxysme dans sa série photographique Dead Set (2000) qui se situe en Mésopotamie, terre blessée depuis des millénaires. En cela réside la vision essentielle du travail de Sophie Ristelhueber, montrer les mutilations subies par la terre ou plus précisément celles des peuples qui la foule. En 2001, son exposition Details of the World au Museum Fine Arts de Boston nous montre que nos blessures physiques et psychiques ne sont pas si éloignées de celles subis par la terre. En 2005, dans West Bank (WB, l'une de ses dernières séries photographiques) sont présentes toutes ses obsessions, chaos, scarifications, ruptures, divisions… Elle porte à nos yeux différentes ruptures frontalières entre Israël et les territoires palestiniens. Cela étant dit, il est nécessaire de relever que cette artiste ne cherche en rien à relever un contexte politique ou bien les responsabilités de quelques représentants, mais bien de livrer des clichés à la temporalité et à l'identité inaliénables. Dans sa série Eleven Blowups (2006), la photographe recrée, par ordinateur et à l'aide de vidéos réalisées à Bagdad, un paysage estropié et embrasé.

Assez de baratin, voici quelques-unes de ces photos...

# Beyrouth Photographies, 1984.

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# Fait, 1992.
"En juillet 1991, je suis partie en Yougoslavie où je me suis improvisée chauffeur pour Jean Rolin, qui était alors grand reporter au Figaro. C’était au tout début du conflit, Serbes contre Croates. Et je n’ai pas fait d’images. À l’époque je m’étais dit : « Visuellement, comment est-ce qu’on peut parler de ça ? De cette violence invraisemblable entre des voisins qui sont des frères jumeaux ? » Comment montrer cela ? Quelques mois plus tard, en octobre, j’ai survolé le désert au Koweït, pour ce qui allait devenir Fait." Sophie Ristelhueber

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# Every One, 1984.
En survolant une tranchée en zig-zag, je me suis rappelée une blessure que j’avais photographiée à l’hôpital au début des années 1980. J’ai compris que pour parler de la guerre civile il fallait montrer des corps entaillés. J’ai choisi de montrer des sutures parce que c’était plus fort visuellement. J’ai travaillé avec des chirurgiens à Paris ; je leur griffonais des croquis de cicatrices et ils m’appelaient lorsqu’ils estimaient avoir ce que je cherchais. Et cela a donné Every One (1994)." S.R.

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# La Campagne, 1997.

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# Irak, 2001.
"Plus j’avance, moins je fais d’image. Pendant mon voyage en Irak, en 2000, j’ai traversé une crise par rapport à mon travail « photographique ». J’ai fait des milliers de kilomètres, pendant des semaines. J’étais accompagnée par un jeune interprète qui parlait espagnol. Un soir, il vient me voir, inquiet : je ne prenais pas de photo. Et puis je suis tombée sur ces palmiers dans le sud irakien. Ce sont des troncs étêtés, ou calcinés, emmêlés au sol, une métaphore de soldats morts. J’étais estomaquée par cette scène. Mes anges gardiens, le traducteur et cinq officiers ce jour-là, voulaient m’empêcher d’y aller : les champs étaient minés. Mais je savais que c’était la seule chose que je voulais rapporter. Et cela a donné Irak, 2001, un triptyque composé de trois images de 120 x
180 cm chacune." S.R.

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# West Bank, 2004.

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# Stitches, 2005.

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# Eleven Blowups, 2006.

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Commentaires
M
Ravie que vous ayez trouvé ça intéressant, et que ça ait pu vous toucher, vous émouvoir. :)
N
c'est une très bonne idée que tu as eu de nous faire connaître ce photographe . ces photos , surtout certaines d'entre elles , ne me laissent pas indifférente , ça provoque quelque chose en moi d'un peu étrange , dérangeant mais pas tant que ça , justement c'est ça qui est troublant , que l'horreur peut en arriver à sembler habituel , et s'en rendre compte quand-même ...
C
C'est vrai qu'elles sont à la fois pleines de force et touchantes ces photos ... Je ne connaissais pas. Merci pour ce petit billet, c'est important de se cultiver aussi ^^. Bisous :) .
M
Wouah quel boulot ! Je ne connaissais pas, et j'ai eu un coup de coeur pour certaines de ces photos... Poignantes à bien des égards.
M
Des photographies sublimes pleines de fragilités
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